13 km, Clémence 9.

Ce matin, qu'il faisait chaud devant la maison déjà à huit heures ! Aussi avons-nous accueilli avec plaisir la proposition de Djordje de nous emmener à Strutovo, où il devait aller chercher des amis à la gare vers midi. Cela nous a permis er passer un bon moment ensemble, les enfants dans le bac à sable, au lieu de se presser pour rouler un peu avant que la chaleur ne devienne insupportable.

Djordje nous a appris plein de choses ! Quel bonheur que la barrière de la langue soit ainsi abolie ! Les langues, tiens. Djordje, qui a grandi à Buc, parle hongrois et serbe, ses langues maternelle et paternelle (je ne sais plus dans quel ordre). Il parle serbe à ses enfants, anglais à sa femme allemande, comprend manifestement bien l'allemand. Kerstin, de Brême, parle allemand à ses enfants, anglais couramment, se débrouille en hongrois (ils vivent à Budapest). Entre eux les jumeaux parlent hongrois !

Djordje nous a expliqué l'histoire compliquée de la région. On peut la résumer à celle de sa grand-mère : La grand-mère de Djordje, sans jamais déménager de son village de Buc, a eu 6 nationalités différentes. Née en 1904 ou 1905, jusqu'a la fin de la 1ere guerre mondiale elle était citoyenne de l'empire austro-hongrois, des Habsbourg. Après la 1ere guerre mondiale elle est devenue citoyenne de république Tchécoslovaque (la 1ere, pas encore communiste). Pendant la 2e guerre mondiale, ce pays était allié à l'Allemagne. Il y a eu un accord : le sud de la Tchécoslovaquie (incluant donc la région où nous étions), peuplé de hongrois, est redevenu hongrois ; les hommes d'ici portaient l'uniforme hongrois lorsqu'ils étaient à l'armée ; le grand-père de Djordje a ainsi été fait prisonnier en tant que soldat hongrois. Puis sa grand-mère est devenue citoyenne de la République socialiste de Tchécoslovaquie, la période communiste donc. En 1989 la voilà citoyenne de république de Tchécoslovaquie, puis en 1993, de République Slovaque.

C'était une vieille dame, quand elle racontait quelque chose et qu'on lui demandait quand c'était - en quelle année - elle réfléchissait "Mmmh... A ce moment-là j'étais quoi déjà ? Austro-hongroise ou tchécoslovaque ?..."

Djordje nous a aussi éclairé sur ces boules que nous voyions de loin pour chaque village : comme je l'avais supposé vu leur fréquence et le relief (tout plat), elles sont l'équivalent de nos châteaux d'eau.

Dans plusieurs villages nous avons été surpris par des hauts-parleurs qui se mettaient à cracher de la musique, puis on entendait quelqu'un parler. Forcément on ne comprenait rien ;) Djordje nous a expliqué : auparavant il y avait le tambour du village pour les annonces officielles. A l'époque communiste ils ont installé ces hauts-parleurs, pour diffuser les annonces officielles. Moyennant quelque argent on peut faire faire une annonce privée (il y aura tel jour un vendeur de ceci cela au marché, par ex)... À l'heure actuelle la loi impose que tout soit dit aussi en slovaque (ici tout le monde est hongrois et parle seulement hongrois). La musique avant la parole est destinée à attirer l'attention, permettre aux gens d'arrêter ce qu'ils font - arrêter le moteur de la voiture et ouvrir la fenêtre, par exemple ! - pour écouter ce qui va etre dit.

Chaque ville, village portait un double panneau d'entrée et de sortie : il s'agit du nom slovaque et du nom hongrois de chaque localité. En France nous avions vu cela en Bretagne, en Midi Pyrénées je crois, en Provence ? Je ne sais plus... Bon, à côté de l'histoire locale, celle des alsaciens et des lorrains paraît presque simple !

Dans la région que nous venons de traverser donc, personne ne parle slovaque. Les plus jeunes l'ont appris à l'école ; mais avec l'Europe et la possibilité de passer la frontière, de plus en plus de familles, apparemment, inscrivent leurs enfants dans les écoles de l'autre côté du Danube - en Hongrie, en hongrois donc. Aussi vraiment personne ne parle slovaque ! Nous étions dans les frontières de l'état slovaque, mais sur un territoire historiquement hongrois qui n'a pas l'intention de changer juste parce que des dirigeants décident, les uns après les autres, génération après génération, de déplacer des frontières...

C'était bien passionnant d'écouter notre hôte. Et puis j'ai aussi beaucoup discuté avec Kerstin, notamment allaitement (elle a allaité ses jumeaux, (malgré les conseils foireux à la maternité, du même acabit que par chez nous !) deux ans et demi !) et accouchement ! En Allemagne, en Hongrie, comme en France la médicalisation rend beaucoup de choses naturelles impossibles et beaucoup de choses simples compliquées... Kerstin attend une petite fille pour fin juillet.

Mais bon, il a bien fallu finir par charger tout le bazar dans le van et la remorque, et partir ! Anton et Paul auraient bien voulu venir avec nous...

Djordje nous a déposé à la gare de Strutovo où l'attendaient Tobias - allemand de Stuttgart et sa compagne hongroise - Denina je crois.

Esztergom, suite

Là encore ça parlait anglais et allemand couramment, c'est sûr nous sommes en Europe !!! Bon moi, à zapper constamment entre les deux langues, je commence à en perdre mon latin ! Mon anglais s'est bien fluidifié, mais je manque cruellement de vocabulaire...

Nous sommes partis chacun sur sa monture, en direction du pont qui, en franchissant le Danube, nous ferait entrer en Hongrie. Et sortir de la zone Euro, ça c'est un dépaysement majeur.

Un snack en guise de déjeuner, puis nous avons posé les vélos en vue avant d'attaquer, à pied, l'ascension de la colline d'où la basilique dominait la ville. Construite milieu XIX è sur les ruines que les ottomans laissaient de l'édifice précédent, elle est immense.

Ce soir, mangeant encore un snack sur une petite aire de jeux, nous avons été abordés par des français ! Gérard et Giselene, de région parisienne, avaient repéré notre drapeau :)

Bivouac idyllique au bord du Danube, mais trop tard pour en profiter ! On s'est posés au crépuscule, et peu après, le vent s'est levé, puis les éclairs, accompagnés à présent de pluie et de tonnerre.