On était installés tous les quatre à manger un morceau, assis sur les premières marches d'un escalier qui avait le bon goût de se trouver sous un grand préau. "C'est chez moi que vous dormez ce soir", nous dit assez nonchalamment le jeune homme qui conversait depuis quelques minutes à quelques pas de nous. Euh ? Ah oui ! Cyril, c'est ça ? C'est ça. L'hôte warmshower que nous avions contacté pour ce soir, sachant que la pluie viendrait nous tenir compagnie en cours de journée, et qu'il nous fallait couper l'étape Embrun-Briançon.

Cyril, en train de coller des affiches pour préparer le concert de ce soir, et que nous ne devions pas voir vu qu'il n'était pas chez lui, étant occupé à l'organisation dudit concert, puis présent au concert. Cyril, qui a reconnu le FollowMe dans la remorque, ils en ont deux, un pour chaque enfant. Cyril qui nous a souhaité bon courage pour les derniers kilomètres, la pluie tombait fort, la température avait bien baissé...

A peine deux bouchées plus tard, une dame vient nous voir : "c'est vous que je cherchais." Oh ! "J'ai un camion, avec un porte-vélo, j'ai de la place pour vous, les enfants, les bagages, je peux vous emmener chez Coline. Je suis sa maman." Oooooh ! Les cris de joie des enfants ! Nous, les parents, nous riions un peu bêtement sans doute, mais c'était tellement tout tombé du ciel !

Ce matin, nous nous étions pourtant levés tôt, mais quitter un logement, même quand ce n'est pas le sien et même si on n'y est pas restés longtemps, c'est toujours long... Une fois l'appartement vidé, rangé, nettoyé, fermé, nous sommes passés à la braderie de la Croix-Rouge / Secours catholique, et y avons trouvé deux choses importantes qu'il nous fallait : un manteau pour Baptiste, juste la bonne taille, très bon état, bleu marine, et qui lui plaît, et une paire de moufles pour Clémence, roses pour ne pas lui déplaire ;) Puis nous avons pris la route, chaque enfant lesté d'une petite voiture, cadeau de la braderie, un sac de noix offert, et un paquet de biscuits en prime. L'enthousiasme que soulève notre équipée nous étonne toujours...

Il faut dire que nous sommes heureux de voyager, il nous a fallu quelques années et une dizaine de milliers de kilomètres pour trouver le bon ton, mais cette fois, cette année, ce voyage-là, nous nous sentons en général dans une belle dynamique, une certaine harmonie, quelque chose de juste... que semblent nous renvoyer ceux que nous rencontrons. Nous trouvons cependant notre vocabulaire un peu pauvre pour exprimer la gratitude, la reconnaissance, deux mots c'est peu pour tout ce qu'il y a à exprimer avec...

Nous avons pris la route, et après avoir dessiné ces derniers jours un trajet qui emprunterait la petite route en face de la nationale - en rive gauche quand la nationale est en rive droite, et inversement - nous sommes partis par la nationale parce qu'il n'y a pas mieux pour "tracer", et on voulait rouler le plus possible avant la pluie. Le ciel était bas, pour ne rien voir pas la peine d'être sur une jolie petite route dont les pentes seraient plus prononcées, et la circulation n'était pas dense. Mamicatrine, il y avait des noyers fructueux au bord de cette bonne vieille route !

Au dernier noyer (comprendre entre les lignes : à la dernière pause pipi) les deux-trois gouttes qui tombaient depuis un bon moment, ont fini par se décider à venir en masse... on est arrivés à l'Argentière la Bessée (des mines d'argent exploitées du XIe au début du XXe siècle) sous une pluie battante, qui avait tendance à forcir. Il ne restait plus que quelques kilomètres mais, un comble sous ce déluge, nous étions presque à court d'eau, et nous ne pouvions envisager les dénivelés à venir sans eau - qui est notre principal carburant. Nous avons fait un petit plein - ne pas se surcharger...! - et éclairci au téléphone avec Coline, notre hôtesse de ce soir, la route à prendre. Allez, courage, on a redémarré, peu après Sébastien a soulevé le couvercle d'une poubelle pour y jeter un mouchoir déchiré, le Père Noël était passé par là ! C'était une benne du supermarché, et ils venaient manifestement de vider le rayon des jouets d'été : pistolets à eau, masques et tubas, jouets de bain, bouées gonflables, un yoyo, des balles... Neufs, emballés, propres, à peine croyable. Eh bien, il y a des enfants là où on va... Et il y avait même un jeu de "Mille Bornes" !!!!

Le "Mille bornes", Clémence et Baptiste ont appris à y jouer cet été avec leurs cousins à Vocance. Ils y ont rejoué à Vaugris. Et depuis, régulièrement ce jeu fait leur joie, il était notamment dans le placard de l'appartement d'Embrun ! Alors, en trouver une version de voyage (sous la forme d'un simple jeu de cartes) en plein voyage, un jeu qui parle de bornes quand nous guettons les bornes, c'est pas mal :)

Voilà, Clémence dort, Baptiste n'en est pas loin, les deux enfants et la nièce de notre hôtesse dorment dans une chambre, nous serons dans l'autre, après un savoureux dîner pris à neuf à genoux autour de la table basse : velouté de courgettes du jardin, puis crêpes ! Aux délicieuses confitures maison, dont une d'épine-vinette, je n'en avais jamais goûté.

J'oubliais de préciser que les enfants et moi sommes montés en quelques minutes, dans le camion aménagé de Sophie avec la malle à nos pieds et toutes les sacoches dans le coffre, mon vélo fixé en un tournemain sur le porte vélo derrière. Mais le tandem est trop long pour être transporté de la sorte, à moins de le démonter - long, pas évident... Sébastien est donc reparti vaillamment, vélo vidé, pour affronter seul la pluie et la côte. Il a fallu essorer ses vêtements à l'arrivée, pourtant la matière (technique, deperlant et séchant vite) du pantalon n'est pas franchement absorbante !

Dehors, des éclairs, du tonnerre et des trombes d'eau. Nous sommes au chaud, au sec, et au chaleureux, il y a Pierre Rabhi sur la table de chevet et Carnets d'Aventures sur la table basse, et une conversation en cours, j'y vais !

34 km pour moi, 40 pour Sébastien.