Nous y pensons souvent, ces dernières semaines : comme nous nous sentons pleins de reconnaissance de pouvoir vivre nos récents deuils dans la sérénité – je veux dire, avec le baume au coeur que mettent tous les moments de joie qui ont précédé la mort de mon père, la mort de ma belle-mère, tous les souvenirs des témoignages d'affection que nous avons pu leur donner, ceux que nous avons reçus d'eux. Nous sommes tristes, oui, la tristesse est sans doute d'ailleurs ce qui donne du relief à toutes ces émotions. Il y a le vide, l'absence, la séparation… Il y a les moments où l'on sonde à quel point cette tristesse est grande, intense, profonde, immense. Une vague, un ruisseau.

Mais nous avons pensé aussi : ce décès brutal, qui nous a laissé hébétés et fracassés de douleur lorsqu'il nous a surpris, bien sûr nous nous sommes sentis révoltés, révoltés face à, disons, « la fatalité », « le destin », ou comme chacun peut appeler l'enchaînement des choses. « L'ordre des choses ». Ou leur air de désordre. Nous avons pensé à la mort que provoque un chauffard, à celle qu'occasionne un professionnel peu scrupuleux, à toute violence déchaînée par quelqu'un. Comme un deuil assorti de colère et de haine doit être difficile, douloureux, laborieux à vivre…

Tout cela, nous en avions parlé ces jours-ci, à la maison. Avec notre deuil où il y a tant de joie et de bonheur, où les « heureusement que... » sont tellement plus nombreux que les « ah, si seulement... » Avec nos proches morts qui ont leur place dans nos conversations sans faux-semblants, sans précautions de langage, et s'il faut sortir un mouchoir, il y en a toujours à portée de main : c'est la vie, et nos morts en font partie.

Il doit falloir beaucoup d'amour et de soutien pour renoncer à la colère et à la haine, beaucoup d'amour et de soutien pour laisser la vie et le temps faire le chemin du deuil, qui de la douleur indescriptible évolue vers plus de joie, plus de confiance, plus d'amour que jamais.

Tant d'hommes, de femmes, d'enfants, tant de familles à aimer et à soutenir aujourd'hui...