45km, laborieux !

On démarre, et ça monte ! Et ça monte encore... Et ça continue de monter. Et toujours... C dur. Entrecoupé de descentes raides.Les pauses s'enchaînent + vite que les kilomètres. C'est moyen pour le moral... En plus on s'est couchés tard : l'ambiance est assez électrique. Il y a au moins une chose sur laquelle tt le monde est d'accord : la vue est magnifique, sur la mer ou sur les montagnes et leurs roches aux formes extraordinaires.

Et puis, les couleurs, des arbustes qui forment avec leurs fleurs jaune-vert des boules tellement régulières que de loin, leurs groupes semblent être des rochers moussus ; les genêts flamboient de jaunes. Parfois on s'éloigne d'elle, et on la retrouve au gré d'un tournant, ou d'un sommet de côte, ou d'un creux : la mer, toujours là, nous sommes sur une île dont nous longeons la côte... Elle est assez calme, on entend quand mm avec force l'assaut des vagues sur les rochers, falaises, ou quelquefois plages.

Le printemps est bien installé à présent : on distingue moins facilement les jeunes feuilles, au vert plus tendre, des feuilles persistantes, vert foncé et souvent brillantes. Les figuiers, à leurs mille bras tous dressés vers le ciel - c'est à cela que je les reconnais - déploient les doigts de leurs feuilles, à un stade plus ou moins avancé selon les jours, selon l'exposition...

Nous traversons aujourd'hui des zones désertiques, au début il y a des villas visiblement très cossues, proximité chic d'Alghero peut-être.

Puis plus rien, quelques voitures qui nous croisent ou nous dépassent, mais pas un toit, pas une âme. Jusqu'à la moitié de l'étape, où nous longeons des troupeaux de brebis - mais personne. Nous nous trouvons heureux d'avoir rempli nos gourdes à la fontaine le long de la route, au quart de l'étape... Car à la fin, nous n'avons plus d'eau, tout est bu en arrivant à Bosa !

Pour atteindre cette ville la route d'abord longe la côte, puis s'en éloigne pour franchir un massif montagneux - et là, nous étions vraiment hauts, voir la mer et, entre elle et nous, des vallons, des forêts, des prés, c'était extraordinaire...

Au plus haut, au plus dur, Clémence propose de marcher à côté du vélo. Baptiste est enthousiaste aussi, et quelle joie pour Justine de prendre place à l'avant du Pino ! Les enfants courent, heureux. Et sont très fiers de me pousser pour m'aider ! Un temps très joyeux. Hélas il se termine par une chute de Clémence qui s écorche mains et genou au sommet... On l'emballe vite, le vent est glacial et elle a mal. Puis on attaque la descente... Des km plus rapides !

On rejoint la mer vers la fin, dans un paysage désertique de grandes masses rocheuses lisses sur l'une desquelles se dresse une tour, pour s'en éloigner une dernière fois à l'approche finale : on contourne un massif extraordinaire, présentant de hautes falaises en bas, et une ligne de falaises autour du plateau qui le domine. C'est ainsi qu'après une ultime côte,nous voyons apparaître Bosa à nos pieds.

Il est 18h30. Le temps d'arriver en bas, de nous repérer, d'aller vers le centre, nous voyons une certaine animation : nous nous rappelons d'un coup les processions programmées à Alghero, et apprenons bien vite qu'il y en a une ici aussi ce soir. Quand ? Dans cinq minutes ! Pas le temps de dire ouf, nous la voyons arriver, une procession d'hommes vêtus de blancs, les épaules couvertes d'une mantille (je ne sais si c'est le terme approprié) rouge.

Les deux premiers brandissent une croix, d'autres portent une statue, de la Vierge sans doute, d'autres encore, deux grandes échelles, d'autres enfin, une autre statue de femme, je ne sais pas laquelle. Je crois avoir entendu parler de Marie-Madeleine, mais c'est sans certitude...

Des chants accompagnent le début de la procession, des hommes chantent, un chant très mélancolique à l'unisson. Puis en divers endroits la procession marque un arrêt, un groupe d'hommes "en civil" forme un cercle, et les chants polyphoniques qu'ils entonnent me font beaucoup penser à ce que je connais des polyphonies corses... Quelqu'un dont la femme est d'ici, m'a indiqué que ce sont des chants de la région.

La procession se termine dans l'église principale - somptueuse - où notamment les échelles sont dressées le long du grand crucifix, et après un temps de cérémonie et de prières (ça y est, je reconnais bien le Notre Père et l'Ave Maria), le grand Christ est descendu de la croix. Ce sont ici des Christ aux épaules articulées ; la statue est ensuite déposée sur une sorte de brancard. La procession alors reprend, prières, chants, et nous voyons passer de nouveau les échelles, la grande croix du crucifix, les statues voilées de noir, et le brancard portant le Christ. Et de plus en plus de monde suit cette procession au fil des rues.

Ces rituels sont une tradition importante ici, nous en découvrons juste des bribes à mesure que nous avançons dans l'île et vers Pâques...

Demain nous allons chez une Warmshower ! Katarina, canadienne, nous accueille pour deux nuits. Une lessive sera la bienvenue, ainsi que la charge de tous les appareils électriques... Et nous sommes curieux de découvrir comment cette cycliste en est venue à s'installer ici, après plus d'un an de voyage à vélo !