43km

Le premier soir, Antonio nous a demandé où nous irions ensuite : dans la direction de Syracuse, a priori. Pas terrible à son sens : montagneux le long de la côte pour éviter l'autoroute, sans grand intérêt culturel d'ici là.

Nous voilà donc en chemin vers l'intérieur des terres, nous allons monter jusqu'à Caltagirone, qu'il nous a dite réputée mondialement pour sa céramique ; de là nous serons dans la plaine de Catane. Peut-être alors un train pour Syracuse ?

Antonio nous a annoncé que nous apercevrions bientôt l'Etna... Toute la famille s'en réjouit, Clémence et Baptiste avec particulièrement d'impatience !

Un échange court, drôle et chaleureux avec Massimiliano, un homme grand et massif à la chemise cintrée laissant voir la petite chaîne élégante autour de son cou, avant qu'il retourne à sa voiture, grosse cylindrée : "Mais comment vous faites, pour vivre sans salaire ?" On lui explique qu'à la maison, on ne le 'mange' pas tout ; et qu'en voyage, nous avons un mode de vie simple et joyeux : "nous avons besoin d'un endroit pour dormir, d'eau, et de quelques fruits et légumes. C'est tout ! Tout le reste, c'est du bonus : quand il y en a, c'est bien ! Quand il n'y en a pas, c'est bien aussi !" Nous avons beaucoup ri tous ensemble : "Nous autres, nous autres les gens normaux, a-t-il insisté désignant son acolyte et lui même en particulier, nous dépensons tout,

il ne nous reste plus un seul centime, et nous ne prenons qu'une seule semaine de vacances !" Puis en partant vers sa grosse voiture rutilante, après nous avoir souhaité bon voyage : "Et merci pour la leçon !" Ce fut un moment étonnant, fort, plein de joie et drôle.

Giovanni, ce soir, nous a demandé aussi pourquoi nous voyagions comme ça ; il était dans son champ d'artichauts quand Sébastien est allé lui demander si nous pouvions planter la tente dans ce coin d'herbe, où nous sommes à l'écart de la route bruyante. Il comprenait bien notre joie de trouver ici des fruits et légumes en abondance, tellement goûteux, et si peu coûteux ! Son intérêt pour notre installation - express, vu la férocité dense des moustiques - et notre mode de vie favorisait un échange bien chaleureux là encore. Et puis il était visiblement heureux de penser à sa famille installée en France, des cousins je crois, du côté de Lyon.

Pour vous donner une idée du coût de ces denrées exquises ici : aujourd'hui en traversant Gela nous pouvions voir sur les camionnettes de producteurs les oranges à 50ct le kilo, on a vu des tomates à 80ct le kilo mais souvent aussi en gros sachets vendus 1€ (qui doivent faire plutôt 2kg), des melons vendus pour 3€ le sac de, pfiou, pas pu les compter, peut-être 6, 7 ou 8 melons ? Et il y a encore les citrons, courgettes, aubergines, poivrons...

De ces derniers nous avons vu un gisement, en passant sous un pont : une cargaison visiblement jetée là, dans le chenal d'irrigation. Peut-être les invendus d'une camionnette abandonnés ici au retour ?... Et encore on n'apercevait que ce qui émergeait de l'eau.

On s'est juste arrêtés pour prendre ça en photo ; pas question de récupérer les légumes intacts restés au bord : nous étions pleins ! Et ce n'est rien de le dire, il faut l'avoir vu, et surtout l'avoir fait...

C'est qu'Antonio nous a acheté des oranges (et pas juste une par personne...), des clémentines, de petites tomates grappes pointues, quelques bananes, de petites pastèques - nous n'en avons pris qu'une... Une foccacia, de petits biscuits salés "per le bambini" en un énorme sachet ; à quoi s'ajoutaient les citrons qu'il est allé cueillir pour nous dans le jardin ; les cédrats qu'il a ramassés en nous faisant faire le tour de tout le terrain familial dont il s'occupe, autour de l'enceinte clôturée où nous avions séjourné ; l'huile d'olive ! Il nous en a versé dans une petite bouteille. Je n'ai goûté qu'une fois une huile d'olive ayant ce type de saveur exquise : au village de Gérard au Maroc (mais bon c'était une autre, plus forte, qu'on nous avait vendue finalement...). Et un petit bocal d'olives maison. Et aussi, c'est moins lourd mais non moins savoureux : une belle poignée de branches de romarin, un sac de laurier, effeuillé pour nous. Dans un petit sachet, du basilic et du persil...

Sans oublier qu'il fallait trouver une place pour le plat de pasta al forno qu'il avait gratiné pour nous, la veille au soir, avec le surplus de pâtes encore nature et le reste de pâtes à la carbonara qu'il nous avait préparées : une grande barquette alu. Plus une petite avec les tomates à la provençale restantes. Sébastien a glissé les barquettes sous le siège de Baptiste ! Exit la couverture à pique-nique, qu'il a casée derrière le dossier de Clémence : inédit, efficace.

Mais lourd et volumineux !!! Nous avons apprécié la route plutôt plate et le vent dans le dos ;-)

Pause à Gela pour faire un peu de vide (des stocks) ou de plein (des ventres), nous avions investi un banc libre, nous l'avions à peine libéré qu'il a été pris d'assaut par les petits vieux qui s'étaient groupés près du banc d'à côté. Aucun n'est venu nous adresser la parole (c'est rare). En s'éloignant un peu : sur tous les bancs, tout autour de la place et à proximité, ils étaient assis, d'autres debout, incroyablement nombreux ! Que des hommes. À partir du moment où Sébastien m'a parlé d'Astérix en Corse je n'ai plus pu m'arrêter de rire...

("Les petits vieux" ce n'est pas juste une question d'âge, pas d'autres mots adaptés pour les désigner, ce n'est pas péjoratif ou méprisant, c'est l'expression incontournable, là !)

Très belle image en arrivant au bivouac : face au soleil qui se couchait doré dans les nuages, près des ruines du château détruit par les bombardements de la deuxième guerre mondiale, apparaissait la Lune, toute ronde aussi... Le vieux château m'évoquait l'un des tableaux de Moussorgski, fredonné en pensant à mes neveux.

Nous avions froid ce soir ! Un vent frisquet et 17°C... tout est relatif... Nous avons pensé au pays, peu clément si l'on en croit certains commentaires, et surtout à Papi qui a dû essuyer un sacré choc thermique au retour des Antipodes...

Après Gela, le fond de vallée était blanc, tapissé de serres. Il y en a même, outre les innombrables tunnels, pour les vignes ! Ces derniers temps on voit des vignes hautes, parfois sous serres, parfois sous filets. Cela nous a surpris !