28 km, Clémence 1.

La nuit dernière nous avions bivouaqué au pied de la digue - côté opposé au Danube. Ce soir le bivouac est proche de la route, mais grandiose : nous sommes au pied d'une falaise immense, au bord (à une quinzaine de mètres quand même) d'une route sinueuse en partie creusée dans la roche qui, alors, la surplombe. En face, la rive opposée de l'immense lac que formait le Danube le long de notre route aujourd'hui, s'est rapprochée au fil des derniers kilomètres. Nous sommes vraiment juste à l'entrée des gorges. Nous avons déjà aperçu, sur le promontoire dominant le prochain virage, le château de Golubac construit par les Hongrois au XIIIe siècle, à l'emplacement d'un fort romain. Je suis fascinée par les dimensions de l'empire romain... Plusieurs empereurs romains sont d'ailleurs nés sur le territoire de l'actuelle Serbie.

Il pleuvait au réveil, et nous avons préparé pour le petit-déjeuner de la semoule au lait de soja en poudre, sucre vanillé, miel et raisins secs (et eau !), recette testée avec succès dimanche matin chez Aleksandar et Milica. C'est que nous avons des difficultés, ces derniers temps, à nous ravitailler en flocons d'avoine ou en muesli à taux de sucre décent (le sucre blanc a un apport énergétique très peu intéressant pour pédaler, et suscite un niveau d'agressivité pas franchement recommandable en voyage en famille avec deux jeunes enfants... alors le matin, on évite) ; du coup, pour varier et assurer notre pitance, nous avons pris de la semoule, qu'on trouve ici partout. Clémence n'est pas trop fan mais nous autres, on adore !

Ce matin à Veliko Gradiste nous avons trouvé une petite ville touristique dont la richesse apparente, comme d'autres villes et villages vus hier et aujourd'hui, contraste étonnamment avec la pauvreté manifeste des villages traversés sur l'autre rive - plus ou moins entre Pancevo et le bac de Stara Palanka. Nous avons notamment été frappés par tout le travail fait aux champs sans tracteur, des étendues importantes fauchées à la faux, le sarclage de tout un champ de maïs, les foins qu'on retourne ou qu'on ramasse, la charette de foin même tirée à la main... des tâches pour lesquelles, partout ailleurs, sur de telles surfaces, nous avons toujours vu des tracteurs. Nous avons trouvé un office de tourisme, avec un gros autocollant à la clé. La charmante hôtesse du bureau où nous avons changé des euros en dinars (nous sommes toujours en Serbie, et changeons de l'argent au fur et à mesure) nous a donné le mot de passe de son réseau wifi et j'ai pu mettre en ligne les articles de blog des deux derniers jours ; rempli nos gourdes aussi, et même donné une friandise à Clémence et à Baptiste, qui ont beaucoup joué avec elle à se cacher timidement en riant très fort, pendant que j'oeuvrais sur le téléphone. Elle nous a aussi indiqué le marché tout proche, et nous y avons trouvé de bons fruits et légumes, nectarines, tomates, concombres, oignons jaunes frais, petites pommes de terre nouvelles, un petit chou tendre qu'on a failli partir sans payer parce qu'on croyait qu'ils étaient deux sur un étal, alors que c'étaient deux producteurs différents ! Et à la charcuterie, avec un son (ronflement !) et un geste, nous avons pu avoir trois tranches d'échine de porc pour préparer ce soir "le plat de Myriam", et une saucisse.

A côté de la charcuterie il y avait une boulangerie, nous y avons acheté une marguerite et, comme il pleuvait et qu'on en servait sous notre nez à d'autres clients, nous nous sommes délicieusement laissé tenter par deux parts de burek à manger sur place, au chaud et encore chaudes, miam !

Pause toilettes, rempaquetage des courses, il était pas loin de 13h quand nous avons vraiment démarré, aujourd'hui ! Il ne faisait pas très chaud, j'ai eu besoin de mon coupe-vent. Baptiste s'est endormi très vite, repu et fatigué d'avoir couru dans les flaques d'eau ; Clémence n'a pas tardé à en faire autant, et nous avons regardé seuls, au bord de la route, ces cimetières propres et chics aux pierres tombales en papillon, portant à gauche pour monsieur, à droite pour madame, nom, prénom, photo, dates de naissance et, le cas échéant, de décès ! Oui, ici on peut avoir sa photo et son nom sur sa tombe avant d'avoir le pied dedans. J'en ai été très surprise.

Aux nuées de moucherons qui gênaient nos yeux, nez, bouches est venu se mêler un très fin crachin. Nous arrivions près de Golubac quand il a forci, et nous sommes abrités devant une sorte de zone commerciale et gare routière pour manger un morceau au sec. Puis, allez, il pleuvait plus fort, nous sommes alles boire un thé/café turc au café proche, profitant du réseau wifi pour aller un peu sur Internet...

Grand moment d'émotion ! Les FloChloandco sont arrivés, hier, à Constanta, à la Mer Noire ! Grosse émotion encore, Ludovic les a retrouvés pour filmer leur arrivée ! J'ai lu ce soir les deux étapes de folie qu'ils ont faites avant l'ultime journée de voyage : 80 puis 90 kilomètres, ouarg ! A vélos chargés et avec des enfants, avec en plus beaucoup de dénivelé, ce sont vraiment des distances énormes.

Il était déjà tard, 18h peut-être, quand nous avons quitté notre abri, et nous sommes sortis de la ville pour nous mettre en quête d'un bivouac. Pas évident quand la route se faufile entre falaise et fleuve ! Nous pensions déjà demander, au village suivant, où planter notre tente, quand nous avons trouvé ce petit bout bien plat, bien propre aussi, en retrait, enfin juste pour nous quoi.

Et pendant que le "plat de Myriam" cuisait - version oignons frais, pommes de terre nouvelles, échine, ail et thym - nous avons entamé le chou. Et comme il était très bon, si tendre et délicat... nous l'avons tout mangé ! Du coup, inédit, nous avons un reste du plat de Myriam pour demain, ce n'était encore jamais arrivé, avec cette recette :)