40km

Je cherchais justement quel titre donner pour nous situer, quand un énième avion s'est fait entendre. On les entend à l'approche, comme avant Alghero, sur notre gauche. On a aussi quelques trains à droite : le verger d'orangers où nous bivouaquons est le long de la voie ferrée. De l'autre côté, il y a la route qui vient de Gela. Quand même on entend par moments des oiseaux de nuit ! :-D

Antonio nous avait annoncé qu'il y avait des orangers tout le long de la route de Caltagirone à Catane. En effet ! A quelques amandiers près, nous avons trouvé quelques mandarines franchement sûres et, surtout, partout, partout, partout, des orangers. D'oranges sanguines, pour ceux près desquels nous nous sommes arrêtés.

En sortant de la tente j'aperçois deux cyclistes sur la petite route non loin de laquelle nous avons bivouaqué. Puis un autre. Tiens, il y aurait des vététistes par ici ? Un peu plus tard beaucoup plus de cyclistes, non ils ne sont pas vététistes (tenue, vélo). Tous sont Noirs. Au bout d'un grand nombre, l'un d'eux vient vers nous. Souleiman, de Gambie, nous explique que les lumières que nous avons vues hier soir, sont celles du plus grand camp de réfugiés d'Europe. Et que tous ces gens vont, à vélo, travailler ou chercher du travail dans les exploitations du secteur.

Il nous explique un peu la vie du camp, qui n'a rien à voir avec les images de tentes boueuses qu'on voit souvent à la télévision : ici ce sont des maisons, tout est très bien, il a son propre appartement juste pour lui. Personne n'a le droit d'entrer dans le camp sans autorisation (nous ne pourrions y aller, par exemple), et ceux qui y vivent ne peuvent sortir que pour la journée. On est là en attendant qu'il soit statué sur l'attribution, ou non, de papiers... En fonction de la situation dans le pays d'origine, de l'histoire personnelle... Souleiman, dans son pays, avait une femme et une petite fille, qui a maintenant 3 ans, un travail - réceptionniste dans un hôtel de luxe - et il n'a pas quitté tout cela par choix, mais contraint par d'une part, un transport de drogue qu'il aurait fait à son insu et qui l'avait mené en prison, d'autre part surtout, une brouille avec son père qui, contrarié qu'il ait épousé la femme qu'il aimait, bien qu'elle appartienne à telle tribu, lui a laissé le choix entre rester en prison (ne pas faire les démarches pour qu'il puisse en sortir) et quitter le pays... Donc, Roméo et Juliette ça n'a ni âge ni frontière, de même que les conflits familiaux...

Nous avons fini de ranger, et gagné la route. En approchant, nous pouvions voir des rangées de maison, comme deux grands lotissements modernes et colorés. Le tout ceint d'une double rangée de barbelés. Il y avait même une aire de jeux, là !

Cela a été l'occasion d'aller échanger quelques mots avec les militaires en faction à côté d'un gros 4x4, devant l'entrée dont nous approchions. Ils nous ont donné une bouteille d'eau. Un autre gros 4x4 est arrivé, l'un des hommes qui en est sorti est venu nous parler moitié en italien, moitié en anglais, il me faisait énormément penser à mon beau-frère quand il était à Châlons ! Et l'âge de ses enfants, 2 ans, et 8 mois, correspondait pile à la période à laquelle je pensais :D Roberto était militaire professionnel, alors que les autres étaient des engagés.

Nous en avons su un peu plus : ces lotissements ont été construits il y a 15 ans pour les familles de militaires de l'OTAN. Depuis 5 ans c'est un camp de réfugiés, il y a environ 2000 personnes ici.

Roberto nous a parlé un peu de Catane aussi, où une spécialité apparemment est la viande de cheval. A suivre !

Plus tard lors d'une pause à une station service, nous avons été fortement incités par Sonia à aller voir le petit morceau du sud de la Sicile par lequel nous ne sommes pas passés ! Ca la faisait bien rire de nous savoir en voyage comme ça, à vélo, avec la tente, sans programme prédéfini, "vous êtes fous !" Il paraît que les français sont plus aventuriers que les italiens, plus casaniers... Les enfants se sont vu offrir des arancine ! Délicieux.

La fin de journée a été moins joyeuse, route pas super agréable avec sa circulation bruyante.

Contents de bivouaquer pas trop tard, avant que le trafic ne s'intensifie encore à proximité immédiate de l'aéroport et des échangeurs avec les autoroutes. Ca rappelle la vallée du Rhône ou certains endroits le long du Danube, où l'on entendait en permanence des bruits de moteurs, plus ou moins fort, plus ou moins loin !